Voie privée : conséquences de l’ouverture à la circulation générale

Principe

Le maire doit exercer sur les voies privées ouvertes au public la police de la circulation, pour assurer la sûreté et la commodité du passage. Il peut ordonner aux propriétaires l’entretien du sol ou l’éclairage de cette voie, interdire la circulation de véhicules dépassant un certain tonnage, ou même interdire toute circulation publique si nécessaire.
Le maire prescrit en outre, les mesures pour assurer l’hygiène des voies privées (qu’elles soient ou non ouvertes à la circulation publique). Il peut ordonner le creusement de caniveaux, le nettoyage des trottoirs ou l’installation de canalisations. Il peut même faire exécuter d’office les travaux nécessaires (loi du 22 juillet 1912, codifiée sous l’article L.162-6 du code de la voirie routière).
Enfin, en application de l’article L.318-3 du code de l’urbanisme, une voie privée peut être transférée d’office dans le domaine public de la commune, sans indemnité et sans que soit requis l’accord des propriétaires.
Si la voie présente un intérêt général, la commune peut légalement prendre en charge la réfection et l’entretien, ou alors accorder une aide pour travaux au propriétaire, afin de maintenir la sûreté et la commodité du passage.
Il suffit qu’un propriétaire laisse circuler librement sur une voie (que ce soit des véhicules ou seulement des piétons), pour que sans aucun classement ou acte de la part de la commune, cette voie soit considérée comme ouverte à la circulation générale. Le cas le plus fréquent est celui des lotissements ou des ensembles intégrant des commerces accessibles à tous.

Jurisprudence

– Fermeture provisoire (5 ans) d’une voie privée pour des raisons de sécurité :

Une voie privée ouverte à la circulation automobile, avait fait l’objet d’une interdiction de la circulation publique pendant une durée de 5 ans en raison des risques résultant de son mauvais entretien. Cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que ce chemin soit ouvert après travaux à la circulation générale du fait de l’autorité communale.
(C.E. ordonnance du 20 juillet 2001, commune de Mandelieu-la-Napoule, req. 236196, pub. Rec. Leb.).

– Entretien de la voie privée :

En principe, c’est au propriétaire d’assumer l’entretien de la voie. Les dommages résultant du mauvais entretien de la voie engagent la responsabilité du propriétaire. Mais la commune peut aussi accepter d’entretenir la voie privée ouverte à la circulation publique, ce par convention (et non par une délibération du conseil municipal). En ce cas, la responsabilité de la commune pour défaut d’entretien normal peut être engagée devant le juge administratif.
(C.E. 22 avril 1983, Jaffrain, req. 36521).

En revanche, c’est devant le juge judiciaire qu’il faut porter le litige relatif aux dommages résultant du mauvais entretien d’une voie privée par ses propriétaires, sauf si ladite voie est regardée comme un ouvrage public (affectation à l’exécution du service public).
(T.G.I. Grenoble 2 avril 1987, Dame Valat c/EDF).

Une commune ne peut légalement assurer l’entretien d’une voie privée qui n’est pas ouverte à la circulation publique.
(C.E. 17 octobre 1980, Braesch, req. 17395, Rec. Leb. p. 940).

– Police de la circulation :

Le maire peut prendre les mesures assurant la commodité et la sûreté du passage sur les voies privées ouvertes à la circulation générale. Il peut ainsi légalement modifier les conditions d’accès des riverains de la voie à un garage souterrain afin d’assurer la sécurité de la circulation.
(C.E. 3 décembre 1975, société foncière Paris-Languedoc, req. 89689, Rec. Leb. p. 1184.

L’autorité municipale peut réglementer et au besoin interdire la circulation des véhicules dont le passage est de nature à compromettre la sécurité et la commodité des usagers. Ainsi, le maire peut interdire la circulation des poids lourds.
(C.E. 19 novembre 1975, Epx Roussel, req. 93235).

Mais le maire ne peut user de ses pouvoirs de police (art. L. 2212-2 du C.G.C.T.) pour ordonner le maintien de l’assiette d’une voie privée même ouverte à la circulation publique. La définition des limites et du tracé de la voie privée, relève des seuls propriétaires.
(C.E. 15 juin 1998, commune de Claix, req. 171786).

Les restrictions doivent viser le renforcement de la sécurité et non se rapporter à l’exécution de travaux. Il n’existe en effet pas de police de la conservation des voies privées ouvertes à la circulation publique (pas de contraventions de grande voirie).
(C.E. 13 mai 1988, commune de Coudekerque-Branche, req. 67770, Rec. Leb. p. 1101).

Ainsi, illégalité de l’arrêté du maire de Marseille interdisant la circulation dans une voie privée pendant plus de deux mois et ce 9 heures par jour, pour assurer la pose de canalisations. Une telle mesure assujettit les propriétaires riverains à des contraintes n’ayant pas pour but d’assurer la commodité et la sûreté du passage.
(C.E. 20 février 1989, société des tuyaux Bonna et ville de Marseille, req. 68 813 et 69 363).

La réglementation de la circulation d’une voie privée qui n’est pas ou qui n’est plus ouverte à la circulation publique relève des propriétaires (limitation de vitesse, sens unique, stationnement). Il leur incombe d’apposer la signalisation adéquate mais la police ne peut intervenir sur ces voies pour contrôler le respect de cette réglementation privée.
(C.E. 21 octobre 1983, Boineau-Tomasini, req. 40266).

– Hygiène des voies privées :

La réglementation relative à l’hygiène des voies publiques est applicable aux voies privées. Ainsi, le maire peut ordonner le nettoyage des trottoirs et des caniveaux par les riverains d’une voie privée ouverte à la circulation publique.
(C.E. 15 octobre 1980, Garnotel, req 16199 et 18740).

– Création forcée d’un syndicat de propriétaires riverains de la voie privée :

En application de l’article L.162-6 du code de la voirie routière, les propriétaires des voies privées et des immeubles riverains peuvent être tenus de se constituer en syndicat dans les conditions prévues par la loi du 22 juillet 1912 relative à l’assainissement des voies privées. Ces dispositions sont appliquées avec fermeté. Ainsi les dépenses d’entretien peuvent-elles être mises à la charge de propriétaires riverains même s’ils ne disposent d’aucun accès ni d’aucun branchement sur la voie privée. L’absence d’intérêt pour eux des travaux d’entretien de la voie privée ne fait pas obstacle à ce que le maire les considère à bon droit comme des propriétaires riverains tenus par la loi de 1912 de se constituer en syndicat dès lors qu’ils n’établissent pas “qu’un tel accès ou un tel branchement ne puisse dans l’avenir être réalisé”.
(C.E. 22 juin 1992, syndicat des copropriétaires du 33, rue de Borrego, req. 100012, Rec. Leb. p. 1403).

Les propriétaires sont mis en demeure de se constituer en syndicat et de désigner un syndic dans le délai d’un mois. Passé ce délai, un syndic est désigné d’office, il fait exécuter les travaux nécessaires à la remise en état de la voie et répartit la charge des dépenses entre les propriétaires.
(C.E. 13 avril 1983, Walter, req. 28444, Rec. Leb. p. 630).

– Transfert d’une voie privée ouverte à la circulation publique dans le domaine public de la commune :

La commune peut, sous certaines conditions, transférer d’autorité dans son domaine public une voie privée ouverte à la circulation publique, même en cas d’opposition des propriétaires en application de l’article L.318-3 du code de l’urbanisme.
(C.E. 10 février 1992, Choquette et Gonzales, req. 107113, Rec. Leb. p. 958).

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