Principe
Le maire, quelle que soit la taille de la commune, ne peut interdire de manière générale et absolue le stationnement des gens du voyage (principe général en matière de police administrative). Certes les communes ayant créé des aires d’accueil peuvent interdire le stationnement des gens du voyage sur l’ensemble du territoire communal en dehors de ces aires. Mais l’application effective des règlements de police municipale est souvent délicate en la matière. Par suite, le stationnement spontané et inorganisé des nomades est de nature à susciter des situations de tension avec les populations locales.
Pour surmonter ces contradictions, la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage a fortement renforcé les pouvoirs de police du maire leur permettant de lutter contre les occupations illicites. La nouvelle loi offre des outils juridiques nouveaux aux communes ayant aménagé ou cofinancé l’aménagement d’une aire d’accueil et à elles seules, ce qui constitue une incitation à coopérer au nouveau dispositif de maillage du territoire voulu par le législateur.
Les nouvelles procédure visent à mettre fin rapidement aux stationnements spontanés illicites :
sur les propriétés privées :
Le maire peut, en lieu et place du propriétaire, assigner les occupants du terrain devant le président du T.G.I. en cas d’atteinte à l’une des composants de l’ordre public (salubrité, sécurité, tranquillité). Le juge des référés pourra ordonner l’évacuation des caravanes et enjoindre aux nomades de rejoindre l’aire d’accueil aménagée ou, à défaut, de quitter le territoire communal.
En cas d’urgence, le juge pourra statuer en la forme de référé d’heure à heure (art.485 du N.C.P.C.), les gens du voyage pouvant, en ce cas, être assignés dès le jour du trouble au besoin (jours fériés) au domicile “portes ouvertes” du juge.
sur le domaine public :
La grande innovation de la loi du 5 juillet 2000 est de donner compétence au juge judiciaire pour connaître des occupations illicites du domaine public (unification du contentieux de l’expulsion des gens du voyage au profit du juge civil des référés), dans les mêmes conditions que celles mentionnées ci-dessus pour les propriétés privées, quand la commune a aménagé une aire de stationnement.
L’incertitude demeure toutefois, quant au juge compétent pour les autres communes, en cas de stationnement sur le domaine public. De plus, même en cas d’obtention d’une décision d’expulsion, les préfets peuvent toujours refuser le concours de la force publique, pour des raisons d’opportunité, ce qui peut engager la responsabilité de l’Etat envers la commune (Cf. ci-dessous).
Jurisprudence
– Inaction du maire : responsabilité de la commune :
Alors que la présence de nomades sur le territoire de la commune était depuis plusieurs années la cause de troubles à l’ordre public et de dommages aux biens, le maire de Maurepas en ne faisant pas usage de ses pouvoirs de police pour réglementer la circulation et le stationnement des gens du voyage a commis une faute qui engage la responsabilité de la commune à l’égard des victimes de ces dommages (dégradations de bâtiments par 70 véhicules de forains pendant des mois). Toutefois la responsabilité de la commune est atténuée par celle de l’Etat (pour ne pas s’être substitué à la commune défaillante) et par celle des victimes qui ont attendu 6 mois après l’installation des nomades sur leur terrain pour présenter au juge civil une demande d’expulsion.
(C.E. 20 décembre 2000, compagnie d’assurance Zurich International, req. 211284, Rec. Leb. p. 632).
– Pouvoirs du maire : illégalité des interdictions de stationnement trop générales :
Le maire peut réglementer les conditions de circulation et de séjour des nomades pour éviter qu’elles ne créent un danger pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. Ces mesures ne sauraient toutefois comporter une interdiction totale de stationnement, ni même aboutir à une impossibilité pour les gens du voyage de stationner pendant le temps minimum nécessaire. Par suite, illégalité d’une interdiction de stationnement plus de 48 heures hors des emplacements spéciaux alors que ceux-ci ne permettent que le stationnement d’un petit nombre de véhicules et sont dépourvus des aménagements indispensables sur le plan sanitaire.
En outre, le maire ne peut faire visiter les voitures des nomades en dehors des cas d’épidémie grave. Les caravanes sont assimilées à un domicile et sont soumises aux mêmes protections (impossibilité d’immobilisation, de mise en fourrière, etc…).
(C.E. 2 décembre 1983, ville de Lille, req. 13205, Rec. Leb. p. 470).
–Â Notification aux contrevenants :
Si la procédure de référé administratif tendant à l’expulsion de nomades du domaine public doit présenter un caractère contradictoire, le non respect de cette exigence n’entraîne pas la nullité de la procédure lorsque les circonstances rendent impossible la notification de la demande aux défendeurs à l’instance.
Tel est le cas lorsque l’identification des ferrailleurs et nomades occupant le domaine public est difficile et lorsque l’attitude très hostile de ces personnes rend matériellement impossible toute notification.
(C.E. 15 février 1989, port autonome de Dunkerque, req. 80585).
–Â Refus de concours de la force publique :
Comme le rappelle une circulaire du 5 juillet 2001 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les préfets peuvent, selon une jurisprudence constante, refuser le concours de la force publique pour la mise en Å“uvre effective des ordonnances d’expulsion des gens du voyage. Il reste qu’en application d’une jurisprudence ancienne et toujours confirmée (C.E. 30 novembre 1923, Couitéas), la commune peut alors demander réparation des dommages qu’elle a subis à l’Etat, devant le tribunal administratif. La jurisprudence européenne récente a d’ailleurs confirmé, s’il en était besoin, ce principe fondamental du droit à l’exécution d’un jugement, procédant lui-même du droit à un procès équitable.
(C.E.D.H. 13 mars 1997, Horsny c/Frée).
– Arrêté portant interdiction de stationner :
Sous le contrôle du juge, le maire d’une commune satisfaisant aux obligations posées par la loi peut, par arrêté, interdire le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage. La légalité dans le temps de cet arrêté devrait être apprécié de façon très concrète : ainsi en cas de dégradation manifeste des conditions d’accueil ou de réduction sensible des capacités, un arrêté légal à l’origine pourrait devenir illégal, les conditions posées par la loi n’étant plus remplies.
Le nouveau dispositif vise de la sorte à inciter les communes non seulement à se mettre en conformité avec la loi mais aussi à le demeurer : entretien, aménagement, etc…
(Circulaire n° 2001-49 du 5 juillet 2001 relative à l’habitat et à l’accueil des gens du voyage[NOR : EQU U0110141C]).