Principe
C’est sur le fondement de l’article L.2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, que le maire peut se baser pour réglementer les spectacles ou la distribution de publications de nature à entraîner des troubles de l’ordre public.
Les troubles sont diversement appréciés par la jurisprudence :
– ce peut être bien sûr les manifestations violentes d’hostilité qu’est susceptible d’entraîner un spectacle ou une manifestation ;
– ce peut être les nuisances sonores ou autres causées par un spectacle ;
– ce peut-être aussi la nature même du spectacle qui comporte un coté choquant de nature en lui-même à porter atteinte à l’ordre public (par exemple pour des “lancers de nains” considérés comme portant atteinte à la dignité humaine et donc à l’ordre public, cf. infra C.E. 27 octobre 1995, commune de Morsang-sur-Orge).
Il appartient d’abord au maire de prendre les mesures appropriées pour prévenir les troubles de l’ordre public. Ce n’est qu’en tout dernier ressort, dans des situations exceptionnellement difficiles qu’il peut prendre une mesure d’interdiction. L’absence de mesures ou des mesures mal adaptées peuvent engager la responsabilité de la commune sur le fondement de la faute lourde.
Jurisprudence
– Règlement municipal de champ de foire :
Un maire peut légalement prévoir que 75 % des emplacements occupés par les forains lors des fêtes du 15 août seraient attribués à ceux ayant une ancienneté supérieure à 2 ans, le reste du champ de foire (dénommé “zone bleue”) étant réservé aux attractions nouvelles. Cependant, le respect du principe d’égalité s’oppose à ce que des forains bénéficiant de la même ancienneté soient traités de manière différente. Or, en l’espèce, les forains installés en “zone bleue” ne pouvaient faire valoir aucune ancienneté : en dépit de nombreuses années de présence sur cette zone, ils étaient toujours considérés comme nouveaux. Illégalité de la disposition litigieuse.
(C.A.A. Douai 10 février 2000, commune de Cambrai, req. 96DA01670).
– Risques liés aux activités foraines :
Compte tenu des risques pour la sécurité des usagers, du nombre et de la nature des installations foraines en cause, un maire peut légalement interdire ces activités, ordonner le démontage des attractions concernées et demander la libération des lieux en 24 heures.
(C.E. 19 avril 2000, Fillol, req. 157292).
– Une “atteinte à la dignité humaine” constitue un trouble de l’ordre public suffisant pour interdire un spectacle :
Une des composantes de l’ordre public est le respect de la dignité de la personne humaine. L’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui lui porte atteinte par son objet même (en l’espèce “lancer de nain” qui consiste à utiliser comme projectile une personne atteinte d’un handicap physique et présentée comme telle, alors même que des mesures de précaution ont été prises et que la personne en cause se prêtait librement et contre rémunération à cette exhibition).
(C.E. 27 octobre 1995, commune de Morsang-sur-Orge, req. 136727, Rec. Leb. p. 372).
– Possibilité (théorique) d’interdire la projection d’un film :
Le maire, responsable du maintien de l’ordre dans sa commune, peut interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d’un film auquel le visa ministériel d’exploitation a été accordé, mais dont la projection est susceptible de provoquer des troubles sérieux ou d’être, en raison du caractère immoral du film et de circonstances locales particulières, préjudiciable à l’ordre public. mais une telle interdiction ne peut être qu’exceptionnelle. Ainsi la projection dans la commune d’Aix-en-Provence du film “le Pull over rouge” n’était pas, quel que fût le caractère de ce film, de nature à porter atteinte au bon ordre ou la tranquillité publique dans la ville.
(C.E. 26 juillet 1985, ville d’Aix-en-Provence, req. 43468, Rec. Leb. p. 236).
– Possibilité (limitée) de réglementer la distribution des documents publicitaires présentant un caractère licencieux ou pornographique :
Si l’article 14 de la loi du 16 juillet 1949 donne au ministre de l’intérieur le pouvoir d’interdire la diffusion de publications présentant un danger pour la jeunesse, notamment en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, cette disposition législative n’a pas retiré aux maires l’exercice, en ce qui concerne la diffusion de publications, des pouvoirs de police qu’ils tiennent de l’article L.131-2 du code des communes. Le maire, responsable du maintien de l’ordre public sur le territoire de la commune, peut donc réglementer la distribution de documents publicitaires présentant un caractère licencieux ou pornographique si leur diffusion est susceptible, en raison de circonstances particulières locales, de provoquer des troubles à l’ordre public. Illégalité d’un arrêté municipal interdisant la distribution de journaux ou de feuilles d’information comprenant de la publicité pour des services télématiques à caractère licencieux, dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette distribution ait été de nature à porter atteinte au bon ordre ou a la tranquillité publique dans la commune.
(C.E. 9 octobre 1996, commune de Taverny, req. 159192, Rec. Leb. p. 1057).
– Faute lourde entraînant la responsabilité de la commune :
Des spectacles et manifestations organisés en plein air sur le territoire de la commune de Lège-Cap-Ferret ont, en raison tant de leur durée que de l’ampleur des nuisances sonores provoquées notamment par l’utilisation de hauts-parleurs en méconnaissance du règlement sanitaire départemental, porté gravement atteinte à diverses reprises à la tranquillité et au repos nocturne d’un voisin. Il incombait au maire de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d’assurer l’observation de la réglementation départementale édictée à cet effet. La carence du maire, malgré plusieurs plaintes déposées les années précédentes et renouvelées cette année-là , a présenté, dans les circonstances de l’affaire, le caractère d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune.
(C.E. 25 septembre 1987, commune de Lège-Cap-Ferret, req. 68501, Rec. Leb. p. 296).