Spectacle “sauvage”

Principe

Les maires sont de plus en plus souvent confrontés aux récriminations de leurs administrés se plaignant de l’organisation illégale de spectacles “sauvages” à support musical dits “Rave-parties” (Rave : délire, en anglais).
L’ordre public, la salubrité et la tranquillité publique étant en jeu, comment les pouvoirs de police municipale peuvent-ils être mis en oeuvre ?
La jurisprudence commence à peine à se prononcer sur ce phénomène récent. Dans un souci d’utilité, il convient de situer la question et d’évoquer les pistes juridiques envisageables.

Après diverses hésitations, le Parlement vient de voter définitivement (loi du 31 octobre 2001), un dispositif d’encadrement de ces spectacles sauvages dont les principales mesures sont les suivantes :

régime juridique de déclaration préalable des rassemblements festifs à caractère musical organisés par des personnes privées dans des lieux non aménagés à cette fin ;

le préfet pourra interdire la “rave-party” si les mesures prévues sont insuffisantes ou si la tenue du rassemblement présente des risques graves pour l’ordre public ;

en cas de violation de l’interdiction ou de défaut de déclaration préalable, les officiers de police judiciaire pourront saisir le matériel utilisé.

Le décret d’application n° 2002-887du 3 mai 2002, paru au journal officiel du 7 mai 2002 p. 9027, précise les conditions d’application. Si la délivrance de l’autorisation appartient au préfet, ce dernier est tenu d’informer le maire du dépôt de la déclaration et des mesures prises. Le maire peut (et même dans certains cas doit) faire en cas d’urgence usage de ses pouvoirs de police, notamment si la manifestation autorisée “tourne mal” ou pour les dégâts connexes.

– Le lieu :

Les soirées Rave se déroulent en général dans des propriétés privées inoccupées “squattées” souvent pour une nuit. Les clients potentiels sont informés au dernier moment du site choisi, ce par Internet, téléphonie portable ou petite annonce codée. Des poids lourds, parfois étrangers, débarquent le matériel sur le site.

S’agissant d’un lieu privé (occupé sans l’accord du propriétaire), il faut souligner d’une part que les services de police et de gendarmerie ne peuvent intervenir que très difficilement. En pratique, la plainte du propriétaire des lieux est un élément de poids aux yeux du Procureur de la République, mais compte tenu des délais de procédure (même accélérée), la rave-party est le plus souvent achevée avant la décision. Il est, d’autre part, également difficile, compte tenu de la nature privée du lieu et du caractère éphémère de l’événement, de mettre en oeuvre utilement des mesures se rattachant à la police municipale. D’où le sentiment d’impuissance de nombreux maires : bruit souvent assourdissant, tonnes d’immondices à évacuer (il peut y avoir plusieurs milliers de “raveurs”), dégradations …

– Les organisateurs :

Il y a lieu, pour la commune, de tout faire pour identifier les organisateurs, les “disc-jockeys”, les camions (numéro minéralogique). C’est en effet le talon d’Achille de ces soirées illégales : l’impunité est basée sur l’anonymat. Certes, l’identification est difficile, mais c’est la clef de toute action juridique.

– Les médias :

Les raves-parties bénéficient d’un courant de sympathie de la part des médias parisiens (radio – TV). C’est une difficulté (sociologique mais réelle) supplémentaire pour les petites communes et les propriétaires concernés qui subissent concrètement les conséquences de ces soirées et souhaitent agir.

– Les pistes juridiques :

Il est trop tôt pour se prononcer avec certitude mais on peut d’ores et déjà évoquer les éléments suivants :

– l’aspect furtif et éphémère des raves-parties rend, pour l’instant, peu efficace la mise en oeuvre des pouvoirs de police municipale ;

– la dissuasion ne peut résulter que d’une action a priori. Elle suppose que des responsables aient été identifiés ;

– l’action pénale dépend du Procureur de la République. Citons un exemple voisin qui pourrait présenter quelque intérêt : l’atteinte sonore et les dégradations matérielles apportées à un terrain (dunes) par des engins motorisés sont constitutifs de l’infraction de destruction d’immeuble (article 322-1 du nouveau code pénal).
(Tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne, 18 février 1988, Ministère public et ONF n° 88 279).

– ou encore, dépôt de plainte pour “nuisances sonores et dégradations volontaires de biens d’autrui” suite à la rave-party qui s’est déroulée en mai 2000 à Suèvres, village du Loir-et-Cher, et qui a rassemblé 15 000 “raveurs”.

– l’action civile permet aux victimes d’obtenir des dommages et intérêts de l’organisateur. La jurisprudence relative à la condamnation civile d’un organisateur d’une réunion de motards sur une propriété sans l’accord du propriétaire et ayant causé des dégâts à l’immeuble est peut-être intéressante.
(Cass. civ. 2ème chambre 19 octobre 1994, Mme Lejeune, Dalloz 1995 p. 499).

– Premières condamnations d’organisateurs de “Rave-parties” :

Un organisateur habituel de rave-party (il a reconnu en avoir organisé une quinzaine en deux ans) qui avait organisé sans autorisation une soirée techno dans le massif des Bauges (Savoie) était prévenu “d’incitation à l’usage de stupéfiants et de diffusion de musique sans versement de droit d’auteur à la Sacem”. Il a été condamné à un mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 F.
La sévérité du Tribunal semble toute relative car un autre organisateur de soirées rave jugé le même jour pour des faits similaires, (on a retrouvé sur le terrain dévasté par 1 500 raveurs des capsules de stupéfiants et des prospectus pour le bon usage de l’ectasy) a été condamné à une amende de 250 F.
(Trib. Corr. de Chambéry 4 septembre 2000, aff. Grosjean).

– Interdiction d’une “rave-party” par le maire :

Le maire avait accordé une autorisation d’un concert d’apparence banale, qui se révéla être en réalité une “rave-party”. Non seulement le maire retira son autorisation mais il interdit la manifestation. Cette décision a été confirmée en première instance et en appel aux motifs que, d’une part, la société organisatrice avait induit le maire en erreur sur la nature de la manifestation et que, d’autre part, à la date retenue (le 29 juillet), il n’était pas possible de mobiliser des forces de police suffisantes pour assurer l’ordre public.
(C.A.A. Nantes 31 juillet 2001, société l’OTHALA Production, req. 97NT00844).

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