Sociétés d’économie mixte locale (2)

Principe

La liberté d’action des communes vis à vis d’une société d’économie mixte locale dont elles sont actionnaires n’est pas totale puisque les conditions dans lesquelles elle peut accorder une aide directe ou indirecte à une entreprise à laquelle est assimilée une telle société sont strictement encadrées par les lois du 7 janvier 1982 et 2 mars 1982 (art. L.1521-1 à L.1525-3 du C.G.C.T.).

La présente fiche examine ces conditions telles qu’elles ont été définies par la jurisprudence.

Jurisprudence

– Souscription à une augmentation de capital (art. L.1521-1 et L.1521-2) :

La commune peut légalement souscrire à une augmentation de capital dans la limite des planchers et plafonds prévus par la loi du 7 juillet 1983. Au-delà de ces butoirs légaux, sa décision s’analyse comme une aide directe ou indirecte à la société d’économie mixte qui ne peut qu’être allouée en respectant les conditions posées par les lois des 7 janvier et 2 mars 1982. En l’espèce la décision de la commune d’Allos a été jugée illégale pour erreur manifeste d’appréciation.
(C.E. 17 janvier 1994, préfet des Alpes-de-Haute-Provence, req. 133837, 133905, Rec. Leb. p. 18).

– Mandat d’une commune à une société d’économie mixte :

La réalisation de l’étude préalable à des travaux d’aménagement du port de la commune et de l’esplanade située en bord de mer est une prestation de service. La délibération du conseil municipal confiant ce mandat d’étude à une société d’économie mixte n’est pas soumise à l’article 5-I de la loi du 7 juillet 1983 selon lequel les rapports entre la commune et la société sont définis par une convention devant prévoir, à peine de nullité, notamment les modalités de rémunération de la société.
(C.E. 20 octobre 1995, Lefèvre, req. 152186).

– Avance de trésorerie à une société d’économie mixte :

Une avance de trésorerie ne peut légalement être consentie que si la collectivité locale a conclu une convention avec la société d’économie mixte pour l’exécution d’une mission selon les modalités prévues à l’article 5.I de la loi du 7 juillet 1983.
A défaut, il s’agit d’une aide directe ou indirecte qui ne peut être consentie que si elle vient en complément de l’aide de la région. Si tel n’est pas le cas, elle est illégale.
(C.E. 13 septembre 1995, département des Alpes-Maritimes, req. 122646, Rec. Leb. p. 345).

– Bonification d’intérêts à une société d’économie mixte :

La convention prévue à l’article 5 de la loi du 7 juillet 1983 envisage les conditions dans lesquelles la collectivité locale fera l’avance des fonds nécessaires au financement de la mission confiée à la société mixte.
Si le département – et il en est de même pour la commune – peut consentir une avance de trésorerie à la société pour l’exercice de la mission qu’il lui a confiée, il ne peut en dehors de ce cas la faire bénéficier d’aides directes qu’en complément d’une aide accordée par la région. En l’absence de cette aide, la bonification d’intérêts dont la collectivité locale s’est engagée à faire bénéficier la société constitue une aide directe illégale.
(C.E. 20 mars 1998, département de la Seine-Saint-Denis, req. 160548, Rec. Leb. p. 763).

– Garantie d’emprunt d’une commune à une société d’économie mixte (art. L.2252-1) :

La faculté ouverte aux communes d’accorder leur garantie ou leur cautionnement à une personne de droit privé et donc à une société d’économie mixte ne concerne que les seuls emprunts auxquels sont applicables les ratios mentionnés à l’article 6-I de la loi du 2 mars 1982 à l’exclusion de toute autre opération de crédit.

Une commune ne peut donc légalement accorder sa garantie à des ouvertures de crédit consenties par une banque à une société d’économie mixte. En effet, la nature même du droit de tirage que constitue l’ouverture de crédit exclut l’établissement d’un tableau d’amortissement définissant des annuités de remboursement et donc l’application des ratios prévus à l’article 6-I.
(C.E. 16 janvier 1995, ville de Saint-Denis, req. 141148, Rec. Leb. p. 34).

Une commune accorde illégalement sa garantie totale à deux emprunts souscrits par une société d’économie mixte pour deux opérations (création d’une Z.A.C., étude pour une maison de retraite) qui ne peuvent en vertu de la loi donner lieu à une telle garantie totale.
(C.E. 19 mai 2000, mutuelle de la R.A.T.P., req. 208545).

– Caution d’une commune à une société d’économie mixte (art. L.2252-1) :

La caution apportée par la ville de Nice à la société d’économie mixte intercommunale chargée de la gestion et de l’exploitation du stationnement pour garantir le paiement de la dette d’impôt de cette société n’a pas pour objet de favoriser le développement économique ainsi que l’exige l’article 5 de la loi du 2 mars 1982 (article L.2251-2 du C.G.C.T.). Cet acte de caution est donc illégal.
(C.E. 5 mars 1997, ville de Nice, req. 169753).

En autorisant le maire par délibération à constituer la commune caution solidaire d’une société d’économie mixte locale et à intervenir à cet effet aux contrats de prêts, le conseil municipal, qui s’est engagé par le même acte à garantir les annuités d’un emprunt que la société envisageait de souscrire auprès d’une banque, n’a pas délégué au maire l’un des pouvoirs qui ne peuvent faire l’objet d’une subdélégation mais s’est borné à l’autoriser à prendre les mesures d’exécution qu’impliquait sa délibération.
(C.E. 8 février 1999, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, req. 157336).

– Participation de la commune au financement de dépenses de la société d’économie mixte :

Des sommes sont versées à titre définitif par une commune à une société d’économie mixte dont elle détient la majorité du capital pour l’exécution de travaux portant sur des biens immobiliers figurant à l’actif du bilan de la société.
Ce versement ne constitue ni une avance de trésorerie consentie pour l’exécution d’une mission ni le remboursement de dépenses exposées pour le compte de la commune par un mandataire Il représentent une aide directe qui est illégale dès lors qu’elle ne vient pas en complément d’une aide de la région.
(C.E. 30 décembre 1998, commune de Colombes, req. 188393, Rec. Leb. p. 514).

– Bail emphytéotique assorti d’une dispense de redevance non justifiée par les conditions du marché :

Un bail emphytéotique relatif à la location d’un immeuble doit être conclu entre une personne publique et une société d’économie mixte et prévoit que la société mettrait cet immeuble à la disposition d’une entreprise dont la personne publique souhaitait faciliter l’implantation. Ce bail ne peut stipuler aucun rabais par rapport aux conditions du marché dès lors que l’immeuble n’entre pas dans les prévisions du décret du 22 septembre 1982 précité. Par suite et compte tenu des obligations habituelles du preneur d’un bail emphytéotique, la clause dispensant la société d’économie mixte pendant 10 ans du paiement de la redevance annuelle de 1 million de francs mise à sa charge au motif qu’elle doit effectuer des travaux de remise en état d’un coût de 10 millions de francs n’est pas justifiée par les conditions du marché et constitue une aide indirecte. Cette aide est illégale dès lors qu’elle ne trouve pas de contreparties suffisantes en l’absence de tout engagement de la société ou de l’entreprise en termes de création ou d’extension d’activités économiques.
(C.E. 6 avril 1998, communauté urbaine de Lyon, req. 151752, Rec. Leb. p. 132).

– Garantie des pertes au bilan d’une société d’économie mixte :

Cette garantie octroyée par la commune constitue une aide directe qui est illégale si elle ne vient pas en complément d’une aide de la région.
(C.E. 6 novembre 1995, commune de Villenave d’Ornon, req. 145955, Rec. Leb. p. 677).

La prise en charge par la ville de certaines dépenses incombant à la société d’économie mixte dont il n’est pas établi qu’elles sont justifiées par la nécessité d’équilibrer le budget du service public commercial concédé à cette société a en fait pour objet et pour effet d’assurer la compensation pure et simple du déficit de fonctionnement de ladite société. Cette prise en charge est illégale.
(C.E. 20 mars 1998, société d’économie mixte de sécurité active et de télématique, req. 157586).

– Reprise du passif et de l’actif d’une société d’économie mixte :

Dès lors que ce passif est supérieur à l’actif, il s’agit d’une aide directe illégale en l’absence d’une convention passée en vertu de l’article L.1523-2 du C.G.C.T., la dissolution de la société d’économie mixte étant une dissolution à l’amiable non soumise à la loi du 25 janvier 1985 sur la liquidation judiciaire.
(C.E. 15 mars 2000, commune de Romilly-sur-Seine, req. 203555, ment. Rec. Leb).

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