Principe
La résiliation par la commune d’un contrat est en principe possible à tout moment, sans que le juge administratif ait la possibilité d’annuler une telle décision. Mais les conséquences financières peuvent être très lourdes pour la collectivité si la résiliation a été prononcée à tort, et notamment, si le cocontractant n’a pas commis de faute contractuelle d’une gravité suffisante pour justifier une telle mesure.
Lorsque la résiliation est justifiée et provoquée par une faute de l’entrepreneur, la commune peut obtenir l’indemnisation de son préjudice et même, dans certains cas, faire supporter par l’entrepreneur défaillant le coût du marché de substitution éventuellement nécessaire pour achever les travaux.
Egalement, dans certains cas, ce peut être l’entrepreneur qui est à l’origine de la résiliation (article 48-2 du cahier des clauses administratives générales).
Jurisprudence
– Conséquences financières d’une résiliation fautive :
1°) – Commune ayant résilié un marché en alléguant d’une carence de l’entrepreneur, laquelle en réalité était due à une faute de la commune qui avait refusé le paiement de deux acomptes en méconnaissance du cahier des prescriptions spéciales et avait mis l’entreprise dans l’impossibilité de poursuivre ses travaux. La commune a donc dû verser à l’entreprise le montant des travaux déjà effectués et payer les frais de l’expertise qui avait été nécessaire. La société aurait pu demander également d’être indemnisée de son manque à gagner et elle aurait pu aussi obtenir les intérêts et leur capitalisation sur l’ensemble des sommes, mais, en l’absence de conclusions en ce sens, le juge administratif ne pouvait les lui accorder d’office.
(C.E. 28Â mars 1990, commune de Bramans, req. 56463).
2°) – Droit à indemnité des architectes et d’un bureau d’études pour atteinte à leur réputation professionnelle à la suite de la résiliation illégale d’un marché de construction, eu égard aux faits qu’ils avaient une mission complète, qu’un nouveau maître d’oeuvre a été chargé de présenter un autre projet et que la presse locale et les débats parlementaires ont relaté les circonstances de la résiliation.
(C.A.A. Paris, 25 mars 1993, ministre de l’éducation nationale, req. 90PA00839, Rec. Leb. p. 875).
3°) – La prescription quadriennale du droit à indemnité de l’entrepreneur à la suite d’une résiliation abusive est interrompue par la demande de constat d’urgence formée auprès du tribunal administratif en vue de désigner un expert pour faire constater les travaux à effectuer.
(C.E. 8 décembre 1995, société Sogéa, req. 138873, Rec. Leb. p. 434).
– Effets sur le cautionnement de garantie décennale d’une résiliation d’un marché de travaux hors d’état d’être reçus :
Marché résilié par suite de l’inexécution des travaux convenus. Les travaux déjà réalisés n’étant pas en état d’être reçus et ayant été effectués inutilement, la garantie décennale ne pouvait être mise en cause. Dans ces conditions, la caution destinée à couvrir la période de garantie décennale n’avait plus d’objet et devait être restituée à l’entreprise.
(C.A.A. Nantes 7 juillet 1993, société Guillaume, req. 91NT00832, Rec. Leb. p. 875).
– Droit de l’entrepreneur à obtenir la résiliation d’un marché à la suite d’un ajournement des travaux pendant plus d’une année :
Article 48-2 du cahier des clauses administratives générales prévoyant le droit de l’entrepreneur à obtenir la résiliation d’un marché si, par suite d’un ajournement, les travaux ont été interrompus pendant plus d’un an. Cette résiliation est de droit, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu’antérieurement à la demande de résiliation par l’entrepreneur le maître de l’ouvrage avait mis celui-ci en demeure de reprendre les travaux.
(C.A.A. Paris 27 juin 1995, commune de Vélizy-Villacoublay, req. 93PA01000, Rec. Leb. p. 901).
– Possibilité d’une expertise en référé sur les conséquences de la résiliation :
La demande de référé formée par une entreprise, si elle était assortie de considérations sur les conditions de résiliation de son marché et sur les conséquences qui lui paraissaient pouvoir en être tirées en ce qui concernait la responsabilité de la commune, se bornait à demander qu’une expertise fût ordonnée afin de déterminer le montant des divers préjudices qu’elle estimait avoir subis.
Ces conclusions n’impliquaient pas que fût confiée à l’expert une mission portant sur des questions de droit et était donc recevable.
(C.E. 16 décembre 1996, société Stan, req. 164656).
– Impossibilité d’annuler la résiliation d’un contrat signé par une personne incompétente :
La commune du Lavandou, représentée par son maire, avait signé avec la société “Domaine et Golf du Lavandou”, un bail emphytéotique en vue de l’aménagement et de l’exploitation d’un terrain de golf. Avant même la fin des travaux, un grave différent s’était élevé entre la commune et la société. Cette dernière, reprochant à la commune de ne pas honorer ses engagements, avait pris l’initiative de ne plus payer les loyers, les redevances et les remboursements de travaux. La commune du Lavandou avait mis en demeure la société de verser plus de 14 millions de francs, sous peine de résiliation du contrat. La mise en demeure avait été attaquée par la société devant la juridiction administrative. En appel, la C.A.A. de Lyon a jugé que le maire avait signé le bail le 18 décembre 1990, alors que la délibération du même jour autorisant le maire à signer n’était parvenu en préfecture que le 11 janvier 1991, et n’avait été publiée que le 14 janvier. Au moment de la signature, en l’absence de délibération régulièrement transmise au préfet, le maire du Lavandou n’était pas autorisé et, par suite incompétent pour signer ce contrat qui se trouvait entaché de nullité, sans possibilité de résiliation. La première conséquence en était que la demande de la société d’annuler la résiliation devait être rejetée, la seconde tout aussi évidente, est que la commune ne pouvait demander le versement de loyers et redevances sur le fondement d’un contrat nul.
(C.A.A. Lyon 25 mai 1999, S.A. Domaine et Golf du Lavandou, req. 95LY00614).
– Résiliation pour un motif autre la faute du cocontractant :
Si le caractère définitif des prix stipulés à un marché s’oppose en principe à toute modification ultérieure de ces prix par l’une des parties, ce principe ne fait pas obstacle à ce que l’une des parties obtienne, en cas de résiliation du contrat pour un motif autre que la faute du cocontractant de l’administration, le paiement des travaux qu’elle a réellement exécutés. Litige opposant l’administration à son cocontractant, ayant pour origine une rédaction défectueuse du devis descriptif de l’opération. Administration ayant imposé à son cocontractant une modification d’ouvrage, levant l’imprécision du devis initial, qui entraînait une augmentation de 100 % du coût initialement prévu. Après avoir demandé sans succès à l’administration de s’engager à supporter le coût des travaux supplémentaires résultant de cette imprécision, le cocontractant a cessé les travaux, ce qui a contraint l’administration, pour les terminer, à faire appel à une autre entreprise. L’administration peut légalement être condamnée à verser à son cocontractant une somme représentant le montant des travaux effectués par lui et impayés et, en l’absence de faute du cocontractant, n’est pas fondée à demander à ce qu’il soit condamné à lui payer le montant du marché de substitution.
(C.E. 29 septembre 2000, société Dezellus Métal Industrie, req. 186916, Rec. Leb. p. 381).