Principe
Une des modifications principales du C.J.A., entrée en vigueur le 1er janvier 2001, a été la création d’un référé-liberté, qui doit être jugé dans les 48 heures suivant le dépôt de la requête. L’article L.521-2 du C.J.A. est ainsi rédigé : “Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures”.
En principe, les collectivités locales ne portent fort heureusement pas des atteintes fréquentes ou volontaires à des libertés fondamentales. Ce texte ne devrait pas les concerner beaucoup. En réalité, il apparaît avec les premières applications de ces dispositions que les requêtes en ce sens peuvent être assez nombreuses et obliger la commune à présenter très rapidement une défense, même si la demande n’est pas justifiée dans la réalité et en droit. En raison de l’urgence et de la brièveté des délais, le maire peut se pourvoir au nom de la commune sans avoir à en demander l’autorisation au conseil municipal (C.E. Section 18 janvier 2001, commune de Venelles, req. 229247, pub. Rec. Leb.).
La notion de liberté fondamentale est assez vague et ne correspond pas avec celle de liberté publique.
Bien entendu, il n’y aurait atteinte à une liberté fondamentale que si ces mesures n’étaient pas justifiées par des raisons d’ordre public suffisantes. La notion d’atteinte à une liberté fondamentale rejoint par là la notion de détournement de pouvoir (et non pas d’excès de pouvoir). Il y a un équilibre à trouver entre le respect des libertés fondamentales et les nécessités de l’ordre public ou de l’administration d’une commune en général.
Enfin, possibilité intéressante qui dépasse le cadre de ce contentieux, le maire peut à l’audience devant le tribunal administratif, s’engager par écrit à réformer son arrêté, ce qui rend sans objet la requête ou le déféré tendant à l’annulation de ces mesures (C.E. ordonnance du 2 août 2001, préfet du Vaucluse, req. 236821, ment. Rec. Leb.).
Jurisprudence
– pas d’atteinte grave à une liberté fondamentale lorsque le maire refuse de convoquer le conseil municipal pour une désignation de délégués communaux.
(C.E. Section 18 janvier 2001, commune de Venelles, précité).
– maire ayant avant les élections municipales refusé de communiquer la liste électorale et les modifications par bureau de vote, alors qu’il avait mis à la disposition de la même personne la liste et les modifications globales. Pas d’atteinte à la libre expression du suffrage ni à une autre liberté fondamentale.
(C.E. 7 février 2001, commune de Pointe-à -Pitre, req. 229921).
– suspension d’un agent municipal dans l’intérêt du service et intention exprimée prématurément par le maire de faire appel, s’il y a lieu au comité médical supérieur, avant l’avis du comité médical lui-même. (Pas d’atteinte à une liberté fondamentale).
(C.E. 8 février 2001, Guillou, req. 229948).
– refus opposé à un maire de participer à un débat électoral à la télévision (liberté fondamentale de l’expression des courants de pensée et d’opinion n’ayant pas subi d’atteinte manifestement illégale).
(Ordonnance du président de la Section du Contentieux 24 février 2001, Tibéri, req. 230611).
– arrêt d’un stage de capitaine des sapeurs-pompiers non en raison des opinions de l’intéressé, mais à cause de son insuffisance professionnelle (pas d’atteinte à une liberté fondamentale).
(C.E. Section 28 février 2001, Casanovas, req. 229163, pub. Rec. Leb.).
– refus par un maire d’accorder à un candidat aux élections municipales une salle alors que celle-ci était occupée à la date demandée et que d’autres possibilités lui avaient été proposées (pas d’atteinte à la liberté de réunion).
(C.E. 2 mars 2001, Dauphine, req. 230798).
– maire ayant demandé à ce qu’il soit enjoint dans les 48 heures au préfet de donner son avis quant à la désaffectation d’un bâtiment scolaire primaire. Le Conseil d’Etat a considéré qu’un avis défavorable à cette désaffectation avait été explicitement émis par le mémoire en défense du préfet dans cette instance. Rejet de la requête de la commune qui a néanmoins obtenu satisfaction.
(C.E. 22 mars 2001, commune d’Eragny-sur-Oise, req. 231463).
– refus par un maire d’accorder un emplacement sur le domaine public accueillant une fête foraine. Alors même que les requérants sont privés de la possibilité d’exercer leur activité commerciale, pas d’atteinte à une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 6 avril 2001, Lapère et autres, req. 232135).
– possibilité en cas d’urgence pour un maire de fixer des restrictions à la circulation des mineurs dans des secteurs où ils sont exposés à la délinquance, pendant une période déterminée (vacances scolaires et en général de 23 h à 6h) et de faire appel à la police (municipale ou d’Etat) pour les reconduire à leur domicile. L’atteinte à la liberté d’aller et de venir est justifiée par les circonstances et l’urgence.
(C.E. ordonnance du 9 juillet 2001, préfet du Loiret, req. 235638, pub. Rec. Leb. ; ordonnance du 27 juillet 2001, commune d’Etampes, req. 236489 ; ordonnance du 30 juillet 2001, préfet d’Eure-et-Loire, req. 236657, ment. Rec. Leb. ; ordonnance du 2 août 2001, préfet du Vaucluse, req. 236821, ment. Rec. Leb.).
– en proposant d’inscrire un enfant dans une école maternelle différente de celle choisie par ses parents, plus proche de leur domicile, le maire n’a pas porté atteinte à une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 4 juillet 2001, Cazorla, req. 235371).
– maire ayant provisoirement interdit l’accès au public d’une voie privée en raison des risques résultant de son défaut d’entretien (les propriétaires disposant toujours de l’accès à leurs parcelles). Absence d’atteinte à une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 20 juillet 2001, commune de Mandelieu-la-Napoule, req. 236196, pub. Rec. Leb.).
– la décision du maire, rendue publique par un communiqué de presse, de cesser à l’avenir de délivrer des attestations d’hébergement, qui annonce une intention et ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que d’autres autorités délivrent ces attestations, ne porte par elle-même aucune atteinte concrète et immédiate à l’exercice par une personne déterminée d’une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 18 octobre 2001, association groupe local CIMADE Montpellier, req. 239071).
– la décision, même éventuellement illégale, excluant pour une durée d’un an un agent public pour un motif disciplinaire ne constitue pas, par elle-même une atteinte à une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 27 juin 2002, centre hospitalier général de Troyes, req. 248076).
– le droit pour un parti politique de se réunir est une liberté fondamentale. Suspension d’une décision de refus de salle communale.
(C.E. ordonnance du 19 août 2002, Front national, req. 249666, pub. Rec. Leb.).
– le refus d’autoriser un établissement commercial à occuper le domaine public communal en vue d’y installer une terrasse ne peut être regardé par lui-même comme portant atteinte à une liberté fondamentale.
(C.E. ordonnance du 16 septembre 2002, société Eurl “La Cour des Miracles”, req. 250313, pub. Rec. Leb.).