Protection contre les attaques

Principe

L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, applicable aux fonctionnaires territoriaux, prévoit que les fonctionnaires bénéficient à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales.
La collectivité publique est ainsi tenue :
– de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrage dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions ;
– et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
Cette obligation pesait déjà et en des termes comparables sur les communes avant l’entrée en vigueur de ce texte en vertu de l’article L.411-21 du code des communes.

Jurisprudence

– Obligation de protection du fonctionnaires :

Il faut qu’il s’agisse d’attaques au sens de la loi.
Tel n’est pas le cas :

– d’une critique d’un chef de bureau d’une mairie à l’encontre d’une note de service rédigée par un autre service.
(C.E. 23 novembre 1977, Mlle Lecoq, Rec. Leb. p. 457).

– d’une imputation qu’un agent estime injurieuse lorsqu’elle émane de l’un de ses supérieurs.
(C.E. 21 novembre 1990, Lemonnier, req. 104019).

– d’une opinion défavorable portée sur l’agent par l’un de ses collègues dans le cadre d’une enquête de gendarmerie.
(C.E. 24 février 1995, Vasseur, req. 112538).

– d’une lettre du procureur général près la cour des comptes mettant en garde contre certaines pratiques administratives irrégulières d’un fonctionnaire, cette lettre ayant fait l’objet d’une diffusion restreinte purement interne au service.
(C.E. 9 novembre 1994, Mac Kenna, req. 72322, Rec. Leb. p. 1005).

– L’obligation de protection ne joue que si les attaques ont un lien avec les fonctions exercées par celui qui en est l’objet :

Il en est ainsi :

– en cas d’articles publiés dans la presse mettant en cause dans des termes portant atteinte à son honneur les conditions dans lequelles l’agent a exercé ses fonctions.
(C.E. 17 mai 1995, Kalfon, req. 141635).

– ou de prise à partie d’un agent par des organisations syndicales dans la presse.
(C.E. 17 janvier 1996, ministère de la justice, req. 128950).

– l’obligation ne s’applique pas aux actes, ayant entraîné ces attaques, accomplis par un fonctionnaire communal en tant que tel mais inspirés par un mobile personnel.
(C.E. Section 10 décembre 1971, Vacher-Desvernais, Rec. Leb. p. 758).

– est ainsi illégale une délibération prenant en charge les frais d’avocat de trois gardiens de police municipale poursuivis pour vol et recel et placés sous contrôle judiciaire.
(C.E. 18 octobre 1989, Ville de Saint-Maur-des-Fossés, req. 70366).

– Nécessité d’une demande de protection :

Un agent ne peut contester directement devant le juge une lettre anonyme mettant en cause ses aptitudes professionnelles. Il doit demander au préalable à son administration le bénéfice de la protection prévue par la loi.
(C.E. 11 juin 1997, Nevez, req. 142204).

– Prise en considération de la date de la demande de protection :

Des courriers émanant d’usagers de l’administration et versés au dossier du fonctionnaire qui comportent des appréciations sur les capacités, l’objectivité, la compétence et l’assiduité de l’agent représentent eu égard aux termes employés des outrages, même s’ils n’ont fait l’objet d’aucune diffusion publique.
Lorsque trois ans plus tard le fonctionnaire demande la protection prévue par la loi, aucune démarche de l’administration en ce sens, adaptée à la nature et à l’importance des outrages n’est plus envisageable. L’autorité compétente peut légalement rejeter la demande.
(C.E. 21 décembre 1994, Mme Laplace, req. 140066, Rec. Leb. p. 1005).

– L’obligation de protection ne peut être écartée, sous le contrôle du juge, que pour un motif d’intérêt général :

A défaut de motif d’intérêt général invoqué par l’administration, celle-ci est tenue de prendre les mesures susceptibles d’assurer la protection du fonctionnaire contre la diffamation dont il est l’objet.
(C.E. Assemblée 14 février 1975, Paul Teitgen, Rec. Leb. p. 111).

Cette protection est due même aux fonctionnaires ne remplissant pas leurs fonctions de façon satisfaisante.
(C.E. Section 24 juin 1977, Mme Deleuse, Rec. Leb. p. 294).

Le souci de l’administration d’appliquer une politique d’apaisement après une longue grève ne constitue pas un motif d’intérêt général justifiant un refus de protection.
(C.E. 16 décembre 1977, Vincent, Rec. Leb. p. 507).

– Contrôle du juge sur le contenu des mesures prises par la collectivité publique pour assurer la protection du fonctionnaire :

En engageant des poursuites disciplinaires contre le fonctionnaire auteur des attaques portées contre son supérieur, l’administration s’acquitte de son obligation de protection.
(C.E. 21 novembre 1980, Daoulas, req. 21162, Rec. Leb. p. 771).

En cas de diffamation envers un fonctionnaire, si la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne fait pas obligation à l’administration d’engager des poursuites, elle n’est pas dispensée pour autant de son devoir de protection par tout moyen approprié. Des lettres rendues publiques et publiées dans la presse n’ont pas été regardées en raison de la généralité des termes employés et de l’absence de référence précise au comportement du fonctionnaire attaqué comme ayant constitué la protection exigée par la loi.
(C.E. Section 18 mars 1994, M. Rimasson, req. 92410, Rec. Leb. p. 147).

– L’obligation de réparation du préjudice ne joue que si les faits dommageables ont été commis à raison des fonctions :

Tel est le cas par exemple pour le pillage d’un appartement dès lors qu’il est lié aux fonctions de l’agent.
(C.E. Assemblée 6 novembre 1968, Benejam, Rec. Leb. p. 545).

– Portée de l’obligation de réparation :

L’administration est tenue de réparer le préjudice matériel mais aussi le préjudice moral subi par le fonctionnaire.
(C.E. Section 28 mars 1969, Jannès, Rec. Leb. p. 190).

Cette obligation cesse si le préjudice a été réparé par l’auteur de l’attaque.
(C.E. Assemblée 30 mars 1962, Bertaux, Rec. Leb. p. 238).

Elle ne s’impose pas également quand la réparation du préjudice causé est susceptible d’être assurée en vertu de la législation des pensions.
(C.E. Section 16 octobre 1981, Guillaume, Rec. Leb. p. 370).

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