Question
Une commune peut-elle obtenir une indemnisation en réparation des nuisances causées par un aérodrome voisin ?
Les faits
La commune de Saint-Victoret (Bouches-du-Rhône) avait demandé devant le tribunal administratif de Marseille la condamnation de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille et de l’Etat à l’indemniser des nuisances de toute nature qu’elle subissait du fait du fonctionnement de l’aéroport de Marseille-Marignane : nécessité de procéder elle-même à des travaux d’insonorisation des habitations de la commune, classement d’une partie de son territoire en zone inconstructible entraînant une diminution des recettes fiscales, renforcement de l’infrastructure médico-sociale en raison du nombre important de maladies nerveuses et de troubles auditifs, insonorisation des bâtiments municipaux. Le tribunal administratif avait rejeté la requête et n’avait accordé aucune indemnisation.
Réponse
En appel, le Conseil d’Etat a partiellement fait droit à la demande de la commune et a condamné ma chambre de commerce et d’industrie à lui verser une importante indemnité.
Raisonnement
Il est exceptionnel de voir une commune demander à être indemnisée des nuisances causées par un ouvrage public. En général, ce sont plutôt des particuliers qui effectuent une telle démarche. Au cas présent, la commune a néanmoins obtenu satisfaction, mais seulement pour une partie de sa demande. On peut toutefois estimer à la lecture de l’arrêt que la commune aurait pu obtenir une plus complète satisfaction si elle avait effectué un effort pour apporter des justification plus précises des chefs du préjudice qu’elle estimait avoir subi :
– la demande d’indemnisation basée sur la circonstance selon laquelle la commune se serait trouvée amenée à effectuer elle-même des travaux d’isolation chez les particuliers a été écartée : la commune ne saurait se substituer aux habitants pour obtenir la réparation des dommages subis par ceux-ci individuellement.
– la commune faisait valoir qu’à la suite de la directive d’aménagement national relative à la construction dans les zones de bruit des aérodromes, approuvée par décret du 22 septembre 1977, une partie de son territoire avait été classée en zone inconstructible et qu’il en serait résulté une diminution importante de ses recettes fiscales. Le Conseil a rejeté cette demande en relevant “qu’en tout état de cause” le commune ne justifiait pas de l’existence du préjudice allégué.
– a été également rejetée faute de justifications la demande basée sur le renforcement de l’infrastructure médico-sociale qui aurait été entraînée par l’augmentation des maladies nerveuses et des troubles auditifs causés par le bruit des avions. On peut penser que si les allégations de la commune avaient été assorties de justifications, elle aurait pu recevoir une indemnisation de ce chef de préjudice.
– ont seules été finalement remboursées les dépenses engagées par la commune pour réaliser l’insonorisation des bâtiments situés dans l’axe de la piste principale. Le Conseil a jugé que les occupants et les usagers de ces bâtiments subissaient des inconvénients qui excédaient ceux que peuvent être appelés à supporter les habitants des communes situées à proximité d’un aéroport.
C’est donc la chambre de commerce et d’industrie (seule responsable en tant que concessionnaire solvable) qui a été condamnée à verser à la commune de Saint-Victoret une indemnité de 4,5 millions de francs augmentée des intérêts (depuis 1980, date de la démarche initialement formée auprès de la C.C.I.) et de leur capitalisation.
Cet arrêt est particulièrement intéressant car il admet que la commune, personne morale, peut être indemnisée pour des travaux destinés à remédier à des nuisances causées à des personnes physiques (administrés ou employés municipaux) qui utilisent les bâtiments communaux et parfois de façon occasionnelle. Une telle jurisprudence devrait donc pouvoir être transposée à des communes riveraines d’ouvrages publics autres que des aérodromes et constituant des sources de nuisances et également à des nuisances autres que celles causées par un aérodrome (par exemple une autoroute, une voie de T.G.V., etc…).
Références
– Conseil d’Etat
– Arrêt du 20 novembre 1992, Section, Rec. Leb. p. 419
– Commune de Saint-Victoret
– Requête n° 84223