Notion de domaine privé

Principe

Le domaine privé de la commune peut être défini négativement comme les biens appartenant à la commune et qui ne font pas partie de son domaine public. Il peut s’agir :
– soit d’anciennes dépendances du domaine public qui ont fait l’objet d’une désaffectation ou d’un déclassement ;
– soit de biens qui par détermination de la loi font partie du domaine privé, bien qu’appartenant à la commune et affectés à un usage général comme les chemins ruraux (article L.161-1 du code de la voirie routière) ;
– soit de bien provenant de libéralités, dons ou legs et qui n’ont pas fait l’objet d’une incorporation au domaine public ;
– soit d’achats effectués par la commune et qui ne sont pas destinés à être affectés directement à un usage public (par exemple un appartement destiné au logement d’un fonctionnaire ou d’un élu territorial).
La commune dispose en principe comme un propriétaire privé de ce patrimoine. C’est au conseil municipal seul qu’il appartient de décider d’une acquisition ou d’une aliénation.

Remarques :

1°) – les modes d’acquisition exorbitants du droit commun (expropriation, préemption…) peuvent être théoriquement utilisés pour la constitution du domaine privé. Leur utilisation semble rester exceptionnelle, sauf quand une utilité publique est en jeu, par exemple la création d’un chemin rural ou l’affectation à un service public d’un local situé dans un immeuble privé.

2°) – même s’ils sont destinés à être incorporés dans le domaine public, les biens peuvent, en attendant un aménagement spécial ou une affectation, rester provisoirement dans le domaine privé de la commune, voire définitivement si le projet ne se réalise pas (C.E. 11 janvier 1995, Thot, req. 119144).

3°) – la loi 95-127 du 8 février 1995 oblige les communes de plus de 2 000 habitants à établir un bilan des acquisitions et des cessions annexé au compte administratif.

Jurisprudence

– Possibilité pour une collectivité locale de verser des indemnités négociées en plus du prix de vente :

Aucun texte législatif ou réglementaire et aucun principe général du droit n’interdit aux collectivités locales de négocier librement l’acquisition de biens fonciers. Elles peuvent notamment prévoir, à l’occasion de transactions amiables, le versement d’indemnités, quelle que soit la qualification qui leur est donnée.
(C.E. 19 octobre 1994, préfet de la Meuse, req. 121488, Rec. Leb. p. 803).

– Compétence du conseil municipal pour décider une acquisition de parcelles : pas de possibilité de régularisation :

Par une décision du 14 février 1992, le maire d’Echenoz-la-Méline (70000) s’était porté adjudicataire pour le compte de la commune de deux parcelles vendues aux enchères, sans avoir eu au préalable l’autorisation du conseil municipal, laquelle n’avait été donnée que le 14 mai 1992. Cette délibération, entérinant la décision du maire, n’a pu avoir pour effet de la valider. Le maire était donc incompétent pour prendre la décision litigieuse qui a été annulée.

La requête avait été introduite par une personne dont la propriété jouxtait les deux parcelles qui ont fait l’objet de l’adjudication et dont il s’était également porté acquéreur. Il a été jugé que cette circonstance lui donnait un intérêt pour agir et que sa requête était recevable.
(C.E. 2 décembre 1994, Gauthier, req. 147539).

– Principe de libre administration des collectivités locales : une obligation de consultation du service des domaines ne peut pas être instituée par voie réglementaire :

L’article 6 du décret du 14 mars 1986, qui oblige les collectivités et les services expropriants à demander l’avis du service des domaines dans le cas d’acquisitions poursuivies par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique et qui modifie sur ce point les dispositions de la loi du 1er décembre 1942, touche aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales et relève par suite, en vertu de l’article 34 de la constitution, de la compétence du législateur. Cet article est donc illégal en ce qui concerne les départements, les communes et leurs établissements publics.
(C.E. 4 janvier 1995, ville de Paris, req. 117761, Rec. Leb. p. 843).

– Constitution du domaine privé : désaffectation d’une école :

Il résulte notamment des dispositions de l’article 13-I de la loi du 22 juillet 1983 (“le conseil municipal décide de la création et de l’implantation des écoles et des classes élémentaires et maternelles après avis du représentant de l’Etat”) que, s’il appartient au conseil municipal d’affecter, compte tenu des besoins du service public des écoles élémentaires et maternelles, les locaux dont la commune est propriétaire au service public et de prendre la décision d’affectation de ces biens, il ne peut le faire sans avoir au préalable recueilli l’avis du représentant de l’Etat.
En l’espèce un conseil municipal ayant décidé, à la suite de la suppression par l’Etat d’un emploi d’instituteur, d’affecter à un enseignement bilingue ouvert à des habitants de plusieurs communes la classe de l’école maternelle correspondant à cet emploi, ainsi que différents locaux communs de l’école maternelle. Le Conseil d’Etat a jugé que cette délibération valait désaffectation de ces locaux du service public de l’école maternelle et non pas simple utilisation de l’article 23 de la loi du 22 juillet 1983, ni organisation d’activités complémentaires au sens de l’article 26 de cette même loi. En conséquence, l’avis du préfet aurait dû être recueilli.
(C.E. Assemblée 2 décembre 1994, commune de Pulversheim, req. 133726, Rec. Leb. p. 531).

– Pouvoirs du juge judiciaire sur le domaine privé :

Le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives n’interdit pas au juge judiciaire d’enjoindre à une collectivité publique d’avoir à effectuer des travaux sur son domaine privé afin de mettre fin à des dommages subis par une propriété privée.
(Cass. Civ. 29 avril 1998, commune de Biarritz, n° X 96-17.286).

Laisser un commentaire