Principe
L’exploitation commerciale d’installations implantées sur le domaine public est admise depuis longtemps : plages, boutiques dans les lieux publics, kiosques à journaux, ostréiculteurs, stations- service… Si la gestion du domaine public doit se concilier avec les nécessités commerciales du secteur privé, les exigences du service public restent néanmoins prépondérantes :
– l’autorisation d’occuper le domaine public reste précaire et révocable pour un motif d’intérêt général. La collectivité ne peut pas s’engager à ne pas résilier une autorisation domaniale (C.E. 4 mai 1985, association Eurolat, req. 41589, Rec. Leb. p. 141) ; la collectivité peut toujours aussi résilier avant le terme cette autorisation, si un intérêt public, qui peut être celui de la protection du domaine, le justifie. Une résiliation anticipée peut ouvrir un droit à indemnité ;
– cette autorisation est personnelle (C.E. 10 mai 1989, Munoz), à part quelques rares cas autorisés par les textes (exploitation de cultutres marines, emplacement dans un marché d’intérêt national, bail emphytéotique administratif et autorisation de stationnement de taxis).
– mais l’autorisation d’occupation doit toutefois respecter les règles de la concurrence, lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec la gestion du domaine public (C.E. 22 mars 1999, société EDA, req. 202260, Rec. Leb. p. 107).
De son côté, l’activité commerciale doit être compatible avec la vocation du domaine public et la précarité de son occupation : il ne peut donc exister de bail commercial et de droit au bail. Si un tel bail a été consenti par erreur par la collectivité publique, il doit être considéré comme nul, même si la faute commise par l’administration peut entraîner une indemnisation du commerçant.
Obligations du titulaire de l’autorisation :
– ne pas dégrader le domaine public ou compromettre sa destination ;
– ne pas céder son autorisation d’occupation sans avoir l’aval de la collectivité ;
– n’édifier une construction même légère qu’avec l’autorisation de la collectivité ;
– utiliser le domaine public conformément à l’autorisation initiale.
Jurisprudence
– L’autorité administrative peut réglementer l’occupation commerciale du domaine public :
1°) – le maire de Paris a réglementé “le carré aux artistes” de la place du Tertre en y délimitant 140 emplacements de 1 m² chacun réservés aux peintres titulaires d’une autorisation d’y exercer leur profession, moyennant une redevance forfaitaire annuelle au titre de l’occupation du domaine public :
– le fait que cet arrêté a été pris en tenant compte d’impératifs d’ordre et de sécurité publics n’a pas eu pour effet de lui retirer son caractère de règlement relatif à l’occupation du domaine public ;
– le principe de gratuité est inapplicable aux autorisations d’occupation privative du domaine public ;
– mais l’arrêté ne pouvait faire application des articles R.38-14 et R.39-1 du code pénal alors en vigueur concernant les ventes illégales de marchandise sur les lieux publics car “les artistes” exécutant un portrait sur la place du Tertre à la demande d’un décret ne vendent pas une marchandise.
(C.E. 11 février 1998, ville de Paris, req. 171792, Rec. Leb. p. 46).
2°) – l’arrêté réglementant l’occupation du domaine public peut tenir compte d’impératifs d’ordre et de sécurité.
(C.E. 5 juillet 1999, Guinochet, req. 156947).
3°) – ce même arrêté peut interdire certaines techniques. En particulier en interdisant aux artistes-peintres établis sur la place du Tertre à Paris de faire de la sérigraphie, il n’a pas méconnu les dispositions de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété artistique, dès lors que les dispositions de cette loi sont étrangères à l’objet de l’arrêté.
(C.E. 5 juillet 1999, Guinochet, précité).
– Terrain de jeux exploité par une personne privée sur le domaine public :
Une parcelle sur laquelle sont exploités un golf miniature et proposés divers jeux par une personne privée, à ce autorisée par une convention passée avec la commune, fait partie du domaine public communal dès lors qu’elle est incluse dans une promenade publique ayant fait l’objet d’aménagements spéciaux. L’attribution par le service du cadastre d’un numéro spécifique, l’absence d’aménagement spécial par la commune sur la parcelle même et la conclusion des conventions successives d’occupation sous le régime des baux commerciaux sont sans influence sur la détermination de son appartenance domaniale.
(C.A.A. Bordeaux 20 avril 1994, Sarl société familiale d’Hilroc, req. 92BX00476, Rec. Leb. p. 930).
– Station service sise sur une parcelle contigüe et non détachable des bureaux de contrôle du port autonome de Papeete :
La parcelle sur laquelle est implantée une station-service, contigüe et non détachable des bureaux de contrôle du port autonome de Papeete, constitue l’un des éléments de l’organisation d’ensemble que forme le port. Elle concourt dès lors, au même titre que les autres parties de ce port, à l’utilité générale qui a, déterminé l’affectation de ce terrain à l’établissement public su port autonome. De par sa situation même à proximité de la zone portuaire, sur des terrains remblayés par l’Etat, elle a fait l’objet d’un aménagement spécial. Domaniabilité publique alors même qu’elle fait l’objet de contrats d’utilisation privative et que des parcelles voisines ont fait l’objet de cessions.
(C.E. 8 mars 1993, Villedieu, req. 119801, Rec. Leb. p. 750).
– Droit à indemnité de la collectivité publique à l’encontre d’un occupant sans titre du domaine public :
Le tribunal administratif est tenu d’accorder l’expulsion d’un commerçant occupant sans titre un local relevant du domaine public. A la demande de la collectivité, ce commerçant peut être condamné à verser à l’administration une indemnité correspondant au loyer qu’aurait pu retirer cette dernière, de la location du local.
(C.E. 13 février 1991, Thomas, req. 78404, Rec. Leb. p. 55).
–Â Refus d’une autorisation d’occupation commerciale du domaine public :
Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à l’administration, avant de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation du domaine public, d’entendre le demandeur, la décision de refus n’ayant aucun caractère disciplinaire.
(C.E. 5 juillet 1999, Guinochet, précité).
–Â Le droit de la concurrence est applicable aux autorisations d’occupation :
Lorsque plusieurs entreprises d’activités de production, de distribution ou de services sont susceptibles de demander une autorisation d’occupation de la même dépendance du domaine public, l’administration doit respecter le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, sous réserve des contraintes de gestion du domaine public.
(C.E. 26 mars 1999, société EDA, req. 202260, Rec. Leb. p. 107).
–Â Refus d’autorisation d’occupation du domaine public pour l’installation d’une terrasse :
Le refus d’autoriser un établissement commercial à occuper le domaine public communal en vue d’y installer une terrasse ne peut être regardé par lui-même comme portant atteinte à une liberté fondamentale. La demande de suspension sur le fondement du référé-liberté doit donc être rejetée.
(C.E. ordonnance du 16 septembre 2002, société Eurl “La Cour des Miracles”, req. 250313, pub. Rec. Leb.).