Effets des jugements et intérêts

Principe

Aux termes de l’article L.11 du C.J.A. : “Les jugements sont exécutoires”. Il en résulte que l’appel d’un jugement de tribunal administratif n’a pas d’effet suspensif (sauf en matière électorale et en cas de contestation de recouvrement, – voir fiche sur ce dernier point).

Ce caractère immédiatement exécutoire entraîne plusieurs conséquences :

– le bénéficiaire d’un jugement peut mettre en Å“uvre les procédures prévues pour assurer l’exécution des décisions juridictionnelles, codifiés et rendus applicables devant l’ensemble des juridictions par l’article L.911-1 et suivants du C.J.A. (injonction, astreinte, obligation de prendre une nouvelle décision dans un sens déterminé).

– un jugement prononçant une condamnation pécuniaire fait courir de droit, en application de l’article 1153-1 du code civil, (sans qu’il ait été besoin de les demander) les intérêts aux taux légal au jour de la lecture (C.E. 16 janvier 1987, Ribot, Rec. Leb. p. 9). Ce taux est majoré de 5 % si la somme due à la suite du jugement n’est pas payée deux mois après la notification de la décision.

Les modalités d’application d’un jugement ou d’un arrêt n’étant pas toujours évidentes, la collectivité publique qui a été condamnée à la faculté de demander au Conseil d’État de (l’)éclairer… sur les modalités d’application de la décision de justice (art. R.931-1 du C.J.A.).
[Cette possibilité est trop peu utilisée par les collectivités qui peuvent adresser une demande à l’adresse suivante (Conseil d’État, Section du rapport et des études, place du Palais-Royal 75100 Paris S.P.).]

Jurisprudence

– Exécution d’un jugement ayant annulé une délibération autorisant le maire à passer un contrat : obligation de saisir le juge du contrat :

Délibération du conseil municipal autorisant le maire à céder à un employé municipal une propriété appartenant au domaine privé de la commune, annulée pour un détournement de pouvoir par un jugement devenu définitif. Le jugement a privé de base légale la décision d’aliénation de cette propriété. Il appartenait dès lors au conseil municipal de saisir le juge du contrat en vue d’obtenir le retour dans le domaine privé de la commune de la propriété aliénée, afin de statuer à nouveau sur le principe et les conditions d’une cession éventuelle de la propriété. La commune n’ayant pas pris les mesures propres à assurer l’exécution du jugement, une astreinte est prononcée à son encontre.
(C.E. 7 octobre 1994, Lopez, req. 124244, Rec. Leb. p. 430).

– Les intérêts sont de droit même sur la somme due au titre de l’article L.761-1 du C.J.A. (ancien article L.8-1 du C.T.A.C.A.A., frais non compris dans les dépens) :

Une astreinte peut être prononcée contre la personne publique ou privée qui n’a pas réglé les intérêts sur la somme allouée au requérant au titre des frais non compris dans les dépens, laquelle est productive d’intérêts dans les conditions fixées par l’article 1153-1 du code civil, alors même que le jugement ne l’a pas explicitement prévu.
(C.E. 30 mars 1994, Loubet, req. 142026, Rec. Leb. p. 172).

– Effets de l’annulation d’une décision d’éviction du service :

– le principe posé par l’arrêt Rodière du 26 décembre 1925 (req. 88369, Rec. Leb. p. 1065), et toujours valable, est que l’agent irrégulièrement évincé doit être rétabli dans l’intégralité de ses droits (reconstitution rétroactive de carrière depuis la date d’éviction avec avancement et droits à la retraite rétablis).

– si cette reconstitution de carrière nécessité l’intervention d’une C.A.P., cette dernière doit être saisie dans sa nouvelle composition “si celle-ci présente des garanties équivalentes pour les intéressés”.
(C.E. 14 février 1997, Colonna, req. 111468, Rec. Leb. p. 59).

– obligation de réintégrer l’intéressé sur un emploi équivalent tant au point de vue des horaires que des responsabilités.
(C.E. 31 mai 1995, Rodriguez, req. 132639, Rec. Leb. p. 223).
[Pour plus de détail, voir la fiche Effets des annulations contentieuses, en ce qui concerne la fonction publique].

– Effets de l’annulation d’une nomination en qualité de stagiaire :

L’annulation par le tribunal administratif de l’arrêté de nomination d’une assistante stagiaire comporte, par voie de conséquence et alors même que le délai de recours contentieux à son encontre aurait été expiré, l’annulation de l’arrêté subséquent prononçant la titularisation de l’intéressée. L’administration est obligée de procéder au retrait de cette titularisation.
(C.E. 3 novembre 1995, Velluet, req. 82096, Rec. Leb. p. 389).

– Effets de l’annulation d’une délibération décidant la vente d’une propriété appartenant au domaine privé de la commune :

Par une précédente décision, le Conseil d’État avait décidé qu’une astreinte était prononcée à l’encontre de la commune si elle ne justifiait pas avoir, dans le délai de deux mois suivant notification de cette décision, saisi le juge du contrat en vue d’obtenir le retour dans le domaine privé de la commune de la parcelle illégalement aliénée (astreinte de 5 000 F par jour).
En assignant l’acquéreur de la propriété dans le délai prévu devant le tribunal de grande instance compétent, en vue d’obtenir le retour de cette propriété dans son domaine privé, la commune a justifié des diligences qui lui étaient demandées, alors même que cette procédure n’a pas abouti.
(C.E. 27 novembre 1996, commune de Moulins, req. 124244, Rec. Leb. p. 465).

– Le pouvoir d’injonction :

– ce pouvoir ne s’exerce pas d’office, la demande doit être formulée explicitement par le requérant et seulement pour assurer l’exécution de la chose jugée.
(C.E. 28 février 1996, Fauqueux, req. 106582).

– le juge a l’obligation de prononcer l’injonction si les conditions sont remplies.
(C.E. 30 novembre 1998, Berrad, req. 188350, Rec. Leb. p. 451).

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