Principe
Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables réserve à ces derniers le maniement des deniers publics. En effet, l’autorité qui ordonne la dépense ne peut jamais en l’absence de dispositions législatives expresses être chargée d’en assurer le paiement.
Mais si des ordonnateurs ou des fonctionnaires ou des particuliers s’immiscent dans le maniement de ces derniers, ils deviennent comptables de fait, c’est à dire qu’ils se sont comportés comme des comptables sans en avoir la qualité légale. Leur gestion irrégulière est dite de gestion de fait.
La Cour des Comptes distingue entre les comptables de brève main et les comptables de longue main :
– le comptable de fait dit de brève main est celui qui a manié les fonds irrégulièrement extraits de la caisse publique ;
– le comptable de fait dit de longue main est celui qui a ordonné ou organisé le maniement irrégulier sans avoir effectivement manié les fonds.
La déclaration de comptable de fait a des incidences sur le mandat de l’élu.
Jurisprudence
– Qualité de comptable de fait :
. Possibilité de déclarer un comptable public comptable de fait :
Un comptable public peut être déclaré comptable de fait dans le cas où il aurait manié dans des conditions irrégulières les fonds relevant d’un poste comptable autre que le sien.
(C.E. 4 octobre 2000, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/Pair, req. 196290, Rec. Leb. p. 385).
. Comptable de brève main :
– conseiller municipal, directeur général d’une association paramunicipale ayant personnellement signé les chèques et ordres de virement pour l’emploi de fonds extraits de la caisse municipale.
(C.E. Section, 6 janvier 1995, Oltra, req. 140674, Rec. Leb. p. 11).
– extraction irrégulière des fonds de la caisse publique par l’émission de mandats fictifs pour le paiement de factures ne correspondant à aucune prestation.
(Cour des Comptes, 21 décembre 1995, gestion de fait du F.A.S.).
. Comptable de longue main :
– le fait que l’agent ou la personne déclarée comptable de fait n’aurait pas matériellement disposé des sommes dont il a été déclaré comptable ne fait pas obstacle à ce qu’il soit recherché comme comptable de fait.
(C.E. Section, 6 janvier 1995, Nucci, req. 145898, Rec. Leb. p. 7).
Pour déclarer une personne comptable de fait, le juge des comptes peut légalement retenir :
– qu’elle a manqué à son obligation de surveillance de personnes placées sous son autorité et dont elle avait été avertie de leurs agissements.
(C.E. Section, 6 janvier 1995, Nucci, précité).
– qu’en sa qualité de secrétaire général de la commune elle n’a rien entrepris pour faire cesser dans les services de la mairie une situation manifestement irrégulière relative au fonctionnement des services municipaux placés sous la responsabilité nominale d’une association.
(C.E. Section, 6 janvier 1995, Gouaze, req. 139728, Rec. Leb. p. 12).
Est également comptable de fait un agent qui fait encaisser par une association des sommes :
– correspondant à des prestations fournies grâce au personnel et au matériel de la personne publique et qui auraient dû être encaissées par le comptable public.
(Cour des Comptes, 5 février 1996, M. C., professeur au muséum d’histoire naturelle).
– correspondant à des travaux et des recherches réalisés pour le compte de tiers dans les locaux et les moyens de l’établissement public.
(Cour des Comptes, 5 février 1996, M. F., professeur à l’université de Paris-Sud).
– correspondant aux produits de la mise à disposition d’espaces publics de la personne publique pour des réceptions privées.
(Cour des Comptes, 25 janvier 1996, gestion de fait société des amis du musée d’Orsay).
. Héritiers du comptable de fait déclarés comptables de fait :
Est sans influence sur cette déclaration le fait que les héritiers n’auraient pas accepté la succession si l’arrêt provisoire de la Cour des Comptes concernant le comptable de fait leur avait été notifié.
(C.E. 15 novembre 2000, Gérard, req. 197714, ment. Rec. Leb.).
– Sort du mandat de l’élu municipal déclaré comptable de fait :
Le conseiller municipal déclaré comptable de fait par un arrêt de la Cour des Comptes et n’ayant pas reçu quitus de gestion délivré par le juge financier doit être déclaré démissionnaire d’office par le préfet. Celui-ci n’a aucun pouvoir d’appréciation.
(C.E. 16 décembre 1994, Falicon, req. 153021, Rec. Leb. p. 550).
– Condamnation par le juge pénal :
Élu municipal définitivement condamné par le juge pénal du chef de prise illégale d’intérêt pour avoir employé dans un but purement privé du personnel rémunéré par la commune. Compte tenu de l’autorité de chose jugée qui s’attache aux constatations de fait effectués par le juge pénal, la Cour des Comptes n’entache pas son arrêt d’erreur de droit en rejetant au compte de l’intéressé les opérations en cause, alors même que le conseil municipal a, par délibération, reconnu l’utilité publique des dépenses correspondant à l’utilisation du personnel communal au domicile de l’intéressé.
(C. E. 27 juillet 2005, M. Patrick X., 261819, ment. Rec. Leb.).