Aliénation (procédure)

Principe

La commune peut vendre ou acheter assez librement les biens de son domaine privé, que la commune gère au même titre qu’un propriétaire privé et dont elle peut user à peu près de la même façon.
C’est le conseil municipal qui décide des modalités de la vente (nature du bien à céder, prix, choix de l’acquéreur, conditions de vente…) et qui autorise le maire à signer l’acte de vente. Cette délibération est attaquable en excès de pouvoir devant la juridiction administrative. Le prix de vente, notamment, est fixé librement par la commune, sous réserve du seul contrôle minimum éventuel du juge administratif. Comme une vente entre deux propriétaires privés, elle peut être conclue de gré à gré entre la commune et un acquéreur librement choisi. Aucune procédure particulière d’adjudication ou autre n’est obligatoire (C.E. 26/10/1994, Monier, req. 121717, Rec. Leb. p. 826), même s’il est parfois opportun de recourir à une telle procédure (à l’exception toutefois des chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé et pour lesquels une procédure spéciale est prévue…).
Les conditions particulières d’une vente du domaine privé, éventuellement figurant dans le contrat de vente, (qui peuvent être assimilées à un contrat autre que la vente, Cf infra : C.E. 31 juillet 1992, commune d’Andlau) de même que toute autre convention relative au domaine privé (une location par exemple) ne peuvent être contestées que devant le juge judiciaire.
La loi 95-127 du 8 février 1995 impose désormais aux communes de plus de 2 000 habitants une délibération du conseil municipal portant sur les conditions de la cession d’immeubles ou des droits réels immobiliers et ses caractéristiques essentielles. Un avis du service du domaine doit être demandé. De plus le conseil municipal doit établir un bilan des acquisitions et cessions opérées, qui sera joint au compte administratif. Les communes de plus de 3 500 habitants doivent inscrire les cessions immobilières opérées sur un bilan donnant lieu à une délibération du conseil municipal et annexé au compte administratif.

Jurisprudence

– Gestion du domaine privé : compétence du juge judiciaire même à l’occasion d’un contrat de vente :

Acquisition par un particulier de deux parcelles appartenant au domaine privé de la commune d’Andlau (Bas-Rhin), sous la condition portée au contrat de vente que l’acquéreur verserait à la commune une participation représentant le coût de la desserte de ses parcelles, réalisée par la commune afin que ces terrains puissent recevoir l’affectation prévue au contrat. La contestation du montant de cette participation, estimée trop élevée par l’acquéreur, relève de la compétence des tribunaux judiciaires.
(C.E. 31 juillet 1992, commune d’Andlau, req. 80625).

– Détournement de pouvoir :

Vente d’une parcelle appartenant à une maison de retraite, établissement public de la commune de Saint-Félix-de-Reillac (24260), dans des conditions constitutives d’un détournement de pouvoir :

– prix d’aliénation fixé d’après l’estimation effectuée par un adjoint à une valeur très inférieure à celle des terres comparables ;

– publicité très insuffisante de la vente, en particulier auprès des acheteurs potentiels ;

– information du futur acquéreur (maire de la commune) d’une offre supérieure à la sienne, sur laquelle il a pu surenchérir.
(C.E. 24 janvier 1994, Laporte et autres, req. 127873 et 137634).

– Effets d’une annulation d’une délibération décidant de ne plus vendre une parcelle :

Par une délibération du 11 septembre 1989, le conseil municipal de Saint-Ay (45130) avait approuvé la vente à M. A… d’une parcelle de terrain communal, puis par une nouvelle délibération du 5 juin 1990 annulé cette vente. A la demande de M. A…, cette dernière délibération a été annulée par le tribunal administratif d’Orléans (décision légale créatrice de droits ne pouvant pas être retirée). M. A… ayant saisi le Conseil d’Etat d’une demande de condamnation de la commune à astreinte pour non-exécution de ce jugement, rejet de la requête au motif que le jugement a fait revivre la première délibération décidant la vente mais qu’il n’appelle, par lui-même, aucune mesure particulière d’exécution de la part de la commune. Il appartient à M. A… de requérir du juge judiciaire la mise en Å“uvre par le maire de cette première délibération.
(C.E. 4 novembre 1994, Avances, req. 150955).

– Légalité d’une délibération autorisant une vente d’une parcelle à son maire :

La commission des biens et bâtiments communaux de la commune de Salazac (30760), siégeant hors de la présence du maire, a émis un avis favorable à la cession d’une parcelle appartenant au domaine privé de la commune. Si le maire a, dans l’exercice de ses fonctions, présidé la séance au cours de laquelle le conseil municipal a décidé la vente de ce terrain à son père, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la délibération (art. L.121-35 du code des communes) dès lors que le conseil statuant à l’unanimité s’est borné à entériner la proposition de la commission, tant en ce qui concerne le bénéficiaire de la vente que le prix du terrain.
(C.E. 26 octobre 1994, Monier, req. 121717, Rec. Leb. p. 826).

– Échange de parcelles du domaine privé contre des parcelles appartenant à des particuliers :

Le conseil municipal d’Hermillon (73300) avait décidé d’une part d’échanger deux parcelles du domaine privé communal contre des parcelles appartenant aux consorts X… et, d’autre part, refuser l’échange proposé pour les mêmes parcelles par M. B…. La circonstance que M. B… n’ait pas eu connaissance des propositions d’échange faites par d’autres propriétaires et n’ait pas pu modifier ou compléter à temps sa propre proposition ne suffit pas établir que le conseil municipal aurait fondé ses décisions sur des documents inexacts ou incomplets.
(C.E. 30 mars 1994, consorts Buttard, req. 99308).

– Une commune peut revendre légalement un bien illégalement préempté auparavant :

Une commune avait préempté, par une délibération insuffisamment motivée et donc illégale, un terrain qu’elle avait décidé trois ans après de revendre. La décision de revente a été néanmoins jugée légale car l’acte authentique initial de transfert de propriété ne pouvait pas être contesté devant le juge administratif et ne formait pas un ensemble indivisible.
(C.E. 26 novembre 2001, commune de la Teste-de-Buch, req. 222211, pub. Rec. Leb.).

– Vente d’un bien communal à un prix inférieur à sa valeur réelle :

La différence très importante entre le prix de cession d’un ensemble immobilier constitué par un ancien stade (35 000 euros pour une estimation de 137 500 euros) et l’appréciation des Domaines avait entrainé l’annulation en premier instance et en appel de la délibération du conseil municipal de Mer (Loir-et-Cher).

Le Conseil d’État a infirmé ces deux juridictions en considérant que cette différence devait être regardée comme ayant le caractère d’une aide apportée par la commune à l’association franco-turque de Mer et à l’association socio-culturelle, éducative et sportive des jeunes turcs de Mer, dont l’objet statutaire et de favoriser l’intégration de la population d’origine turque dans la commune par la création d’activités culturelles, sociales, éducatives et sportives. Cette aide était d’une part apportée aux associations pour un double motif d’intérêt général invoqué par la commune et tendant tant à une meilleures insertion des habitants d’origine étrangère au sein de la commune par la création d’activités collectives qu’au renforcement de la sécurité publique notamment pour la circulation en centre ville. D’autre part, elle avait eu pour contreparties suffisantes de permettre à ces associations de mener à bien, dans le cadre de leurs statut, leurs projets et de disposer d’un lieu de réunion adapté à la réalisation de ceux-ci par sa dimension et ses accès.

Dans une rédaction de principe, le Conseil d’État considère que si la liberté reconnue aux collectivités territoriales d’accorder certaines aides ou subventions à des personnes privées pour des motifs d’intérêt général ne peut légalement s’exercer que dans le cadre de principe constitutionnels, la cession par une commune d’un terrain à une association locale pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder une élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes.
(C.E. 25 novembre 2009, commune de Mer, 310208, pub. Rec. Leb.).

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