Accident survenu à un usager de l’ouvrage public

Principe

L’indemnisation des dommages que subissent les usagers à raison de l’utilisation qu’ils font d’un ouvrage public est fondée sur le principe d’une responsabilité présumée de l’administration.
Il appartient à la victime de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre le préjudice qu’elle a subi et l’ouvrage public.
Lorsque celle-ci est apportée, c’est à l’administration qu’incombe la preuve d’établir que l’ouvrage était normalement entretenu afin de s’exonérer de sa responsabilité.
La théorie d’un défaut d’entretien normal applicable seulement pour les usagers du travail public est moins favorable que le régime de responsabilité sans faute applicable pour les tiers à l’ouvrage public.
C’est pourquoi la jurisprudence a été conduite à préciser la notion d’usager. C’est une conception extensive de cette notion que retient le juge.

Jurisprudence

– Notion d’usager :

. Utilisation du travail public ou de l’ouvrage public : utilisation effective :

Pour être usager le dommage doit résulter directement du fait de l’utilisation même du travail public. Il faut donc bénéficier directement de l’ouvrage public.

* Ont ainsi la qualité d’usager :

– le fidèle dans une église qui assiste à une cérémonie et qui est victime d’un effondrement d’un pan de l’église.
(C.E. 7 mars 1947, Lapeyre, req. 72068, Rec. Leb. p. 104).

– le spectateur d’une course de taureaux dans une arène de la ville.
(C.E. 23 février 1968, ville de Nîmes, req. 69991, Rec. Leb. p. 139).

– le propriétaire de volailles qui ont été empoisonnées par les eaux usées transitant par un canal d’irrigation traversant sa propriété.
(C.E. 2 juin 1976, commune de Loures-Barousse, req. 98825, Rec. Leb. p. 290).

* N’ont pas la qualité d’usager :

– ceux qui bénéficient de l’ouvrage sans l’utiliser effectivement tel le riverain d’une voie publique.
(C.E. Section 18 mai 1973, Ville de Paris c/Djian, req. 82672, Rec. Leb. p. 361).

– les habitants d’une commune qui éprouvent des dommages du fait d’un dépôt d’ordures ménagères alors même qu’ils bénéficient du service municipal des ordures ménagères.
(C.E. 3 juillet 1970, commune de Dourgne, req. 76289, Rec. Leb. p. 463).

– Notion d’ouvrage public :

La responsabilité d’une personne publique propriétaire d’un bien a l’origine d’un dommage ne peut être engagée que si le bien est immobilier. En effet, seuls ces biens sont susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage public.
Un banc non fixé au sol de la cour d’un collège est un bien mobilier et ne peut donc être un ouvrage public. En conséquence, la victime d’un accident causé par ce banc n’a pas la qualité d’usager d’un ouvrage public.
(C.E. 26 septembre 2001, département du Bas-Rhin, req. 204575).

. Utilisation normale ou anormale du travail public :

Le fait que l’usager utilise de façon anormale le travail public par exemple en n’y étant pas autorisé ne lui confère pas la qualité de tiers (régime plus favorable). Il reste usager.
(C.E. 5 mars 1980, SNCF, req. 06722, Rec. Leb. p. 918).

. Conception extensive de la notion d’usager :

* Lorsque l’ouvrage dont procède le dommage est incorporé à celui qui transmet ce dommage :

Ainsi pour un accident subi par un usager de la route à la suite de l’affaissement d’une chaussée lequel résulte du creusement d’une tranchée destinée à la pose d’un câble électrique.
(C.E. 12 janvier 1962, Edf c/Allamargot, req. 48369, Rec. Leb. p. 29).

* Lorsque le dommage résulte d’une utilisation accessoire de l’ouvrage public :

Ainsi pour un enfant jouant sur une décharge publique aménagée en vue de remblayer un terrain compris dans l’assiette d’une voie en construction.
(C.E. 20 mai 1996, OPHLM de Castres, req. 58574, Rec. Leb. p. 348).

Ou encore pour un automobiliste qui dérape sur une plaque de verglas provenant du débordement d’une rigole d’arrosage extérieure à la route.
(C.E. Section 26 mars 1965, Société des eaux de Marseille, req. 62589, Rec. Leb. p. 212).

– Notion de défaut d’entretien normal :

Cette notion s’apprécie au cas par cas en fonction de chaque dommage.

Le juge tient compte :

. Des circonstances de lieu :

– telles la proximité de gros gibier dans les massifs forestiers avoisinants.
(C.E. 4 novembre 1987, Société des autoroutes du sud de la France, req. 80150, Rec. Leb. p. 996).

– où la présence de noix sèches laissées au sommet des cocotiers.
(C.A.A. Paris 22 mars 1994, Nauutu, req. 93PA00843, Rec. Leb. p. 1225).

. Des circonstances de temps :

– lorsque l’administration n’a pas eu le temps de réagir.
(C.E. 1er mars 1967, Ruban, req. 68898, Rec. Leb. p. 104).

. Des risques :

Une vitre dans un gymnase ne présentait pas pour les élèves les garanties de sécurité suffisantes contre les risques de chute ou de heurts. Défaut d’entretien normal engageant la responsabilité de la Région (à qui incombe les obligations du propriétaire) envers la victime.
(C.A.A. Bordeaux 10 septembre 2002, req. 98BX01052).

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